bonne lecture,
Géraldine
Madonna chère friandise
Pop. Avant ses deux concerts au Stade de France, la pimpante quinquagénaire a produit, mardi à Nice, un show pharaonique, millimétré et sans surprise mais qui fait recette.
Envoyé spécial à Nice Gilles renault
QUOTIDIEN : jeudi 28 août 2008
Madonna En concert au Stade de France, les 20 et 21 septembre.
Ce sont les places les plus chères qui sont parties les premières. Longtemps avant le show, plus aucun ticket à 188,50 euros ne circulait, tandis qu’on pouvait encore en trouver au prix de 62 euros. Cet ordre de grandeur produit un effet paradoxal : au marché noir, les revendeurs rament et finissent par consentir des ristournes à prix bradé.
Queen. A propos de grandeur, un autre aspect mérite d’être signalé : au stade Charles-Ehrmann de Nice, où Madonna donnait donc mardi le premier des trois concerts français de sa tournée mondiale, avant deux Stade de France dans un mois, les places les plus inabordables sont aussi les plus éloignées, tout au fond de l’enceinte, avec pour seule valeur ajoutée d’être assises. Si bien que lorsque la star paraît, juchée sur un trône conforme à l’idée qu’elle a de son rang, la Queen of Pop ressemble à un Playmobil débarqué sur une scène d’autant plus vide qu’on a pris soin de cantonner les musiciens sur les côtés.
La campagne 2008 de Madonna s’intitule Sticky and Sweet Tour. Les deux adjectifs ont une évidente connotation sensorielle, sinon sexuelle, alors que, du propos, émane à peu près constamment une humeur prophylactique. Comme toujours, dans ce type d’entreprise, on brandit des chiffre à effet pharaoniques : une scène télescopique de 50 mètres de long, 90 de large, 20 de haut, 600 roadies, 16 danseurs, 12 musiciens, une Rolls, huit costumes (Givenchy, Tom Ford, Miu Miu, Gucci, Stella McCartney…) et la diva qui avance tel un rouleau-compresseur montant de nouveau au front.
La tournée qui a commencé le week-end dernier à Cardiff et couvre 49 dates (Europe, Etats-Unis, Canada, Mexique), se présente sous un jour ambigu. On nous rappelle que Hard Candy, le nouvel album de Madonna, est ou a été n° 1 dans vingt-sept pays. Mais cette réalité masque des aspects moins implacables : qualitativement - et malgré les renforts carrossés de la scène rap et r’n’b -, le disque a été, de l’avis majoritaire, une déception ; au demeurant, ses chiffres de vente sont restés très en deçà des espérances.
Nique. Si Madonna roule encore aujourd’hui sur l’or, c’est à la scène qu’elle le doit (on estime ses gains à 200 millions de dollars sur la précédente tournée). Mais elle arrive à un âge (50 ans, le 16 août dernier) où, a fortiori dans les épreuves de vitesse, il faut veiller à ne pas disputer la course de trop. Or, le cas intrigue, au moins génétiquement parlant (la musique ayant cet avantage sur le sport que jamais le dopage n’est dépisté) : mamie Louise continue de faire la nique à celle qui, de Britney S. à Hanna M., incarnent ses élèves. Aujourd’hui, autant qu’hier, Madonna court, saute, bondit, rampe, parade dans une forme de nettoyage par le vide technologique où la débauche des décors d’antan le cède à des écrans qui, en fond de scène, déglutissent des vidéos, et, sur les côtés, détaillent ce qui se passe sur le plateau. Mais à cent mètres de distance, les écrans paraissent vraiment riquiqui, ne divulguant pas grand-chose de l’action. Au centre du show, l’équivoque règne avec une Madonna qui ripoline son fond de commerce SM jadis sulfureux et remet une couche sur ce poids des ans que son corps réfute : guêpière et bas résille, puis short rouge de pom-pom girl, démonstration de saut à la corde et lunette Lolita en forme de cœur. Dix-neuf chansons figurent à ce menu quasiment immuable. La moitié émanent du nouvel album, l’autre étant constituée de tubes souvent transfigurés (Into the Groove techno sur une animation Keith Haring) ou de rareté à côté de la plaque (un You Must Love Me intimiste exhumé de la BO d’Evita).
Gimmick. Une heure cinquante, sans rappel, et quatre parties. Au milieu, Madonna investit deux domaines où elle se révèle plus que balourde : le «rock», avec simili solos (Heartbeat, Borderline - justement) et la «world» (Spanish Lesson, Miles Away, la Isla Bonita revus à la sauce manouche, avec violon, guitare et faciès burinés jouant les utilités besogneuses). A l’inverse, cette absence de raffinement se commue en argument quand il s’agit d’envoyer la cavalerie dance, avec les duos filmés des Timbaland, Kanye West, Pharrell et Justin Timberlake du CD. «Tic tac tic tac…», gimmick efficace de 4 Minutes, le hit de Hard Candy, explose au moment d’ouvrir le dernier chapitre où Ray of Light précède dans un bombardement de lumières intergalactiques l’ultime Give It To Me… en flagrant délit de play-back.
A Nice, la rumeur fantasmait sur une visite de Barack Obama, au lieu de quoi ce furent Bono, Elton John et Laurent Gerra. Obama était quand même «présent» dans une de ces provocations dont Madonna, super pro de la com’, s’est fait une marque de fabrique : à vingt minutes de la fin, un montage d’images détaille sur les écrans une vision du monde simplette. D’un côté les méchants (bouh !) Hitler, des terroristes, Mugabé, John McCain («comparaisons scandaleuses, inacceptables et de nature à diviser», a déclaré le porte-parole de ce dernier, qui a mordu à l’hameçon), et de l’autre, les gentils, Lennon, Bono, Luther King, Michael Moore (!) et Obama donc.
Et puis, comme de coutume, ces photos culpabilisantes d’enfants africains à l’agonie, le ventre gonflé par la faim, au centre d’une scène encadrée par deux gigantesques M éclairés comme des diamants.
Olivier Nuc 27/08/2008
Madonna, qui vient de fêter ses 50 ans, a réalisé une véritable performance physique au stade Charles-Ehrmann de Nice, où elle ne s'était pas produite depuis 1990. Crédits photo : AP
À Nice, première halte française de sa tournée «Sticky and Sweet», la star offre un show où le mauvais goût côtoie des moments glorieux.
Il arpente la tribune de long en large, agitant une petite banderole sur laquelle est écrit, en anglais : «Joyeux anniversaire Madonna, arrête de m'appeler, s'il te plaît.» Manière amusante pour ce fan de signaler que la star, qui chante sous ses yeux, vient de célébrer ses cinquante ans. Elton John et Bono ont eux aussi fait le déplacement pour souffler les bougies en sa compagnie, mais elle n'aurait pas daigné les recevoir dans sa loge.
Pour la deuxième date de son Sticky and Sweet Tour, après Cardiff le 23 août, Madonna retrouvait le stade CharlesEhrmann de Nice, où elle ne s'était pas produite depuis 1990. Alors que la diva a été chahutée tout l'été par une presse people la soupçonnant d'avoir une liaison avec un joueur de base-ball, que son mariage semble sérieusement battre de l'aile et que son frère publie une biographie en forme de règlement de comptes, l'enjeu de cette tournée est colossal. De même que les moyens mis à disposition par Live Nation, le géant américain de l'industrie du spectacle qui contrôle désormais toutes les étapes de sa carrière, de l'enregistrement de ses albums aux tournées en passant par les droits dérivés : 250 employés, 653 heures de répétition, 28 musiciens et danseurs. De quoi composer un show mémorable ? Pas sûr.
Flanquée de deux M géants, la scène s'illumine pour accueillir Madonna sur son trône, en guêpière, bottes et bas-résille. La revue façon Broadway se décline autour de quatre tableaux, tandis que le répertoire privilégie Hard Candy, dernier album en date, aux chiffres de vente décevants. Après une première partie assez poussive autour de l'esthétique gangsters des années 1920 (Rolls-Royce, rappeur en costume blanc), le spectacle trouve sa vitesse de croisière passée la première demi-heure seulement.
Vingt-cinq années de carrière
C'est sur les titres où elle joue de la guitare électrique (en mitaines) que Madonna s'incarne réellement face au public. L'évocation du New York des années disco lui offre l'occasion de revenir à la source de sa musique. Elle interprète même très faux Borderline, un de ses premiers succès. Une vidéo retraçant ses vingt-cinq années de carrière permet de vérifier que la star a passé son temps à se réinventer. Cette concession à la nostalgie sonne aujourd'hui moins comme un clin d'œil qu'une course désespérée après les bons souvenirs. Sur She's Not Me, Madonna entend rectifier le tir en terrassant des figurants représentant quatre de ses différentes incarnations. Paradoxalement, c'est à ce moment précis qu'elle apparaît la plus fragile et la plus touchante.
Un festif Music plus tard, ces états d'âme sont balayés par la séquence la plus hasardeuse du show. Flanquée d'un groupe de Gitans, Madonna verse alors dans une esthétique (alter ?)mondialiste aussi révolutionnaire qu'une publicité Benetton du début des années 1990. Noyée sous les espagnolades et les bons sentiments, outrageusement accélérée, La Isla Bonita ne s'en remettra pas. En revanche, la magie opère à plein avec une chanson tirée de la bande-son du film Evita, dans un registre totalement acoustique.
Le dernier volet du spectacle s'ouvre sur une vidéo dans laquelle les figures du mal (Hitler, Khomeyni, Mugabe et… John McCain) sont opposées aux héros du bien (Al Gore, Ghandi, Lennon, Luther King, Angela Davis, Bill Clinton et… Obama, à deux reprises) sur fond de défense de la planète. Simon Wiesenthal et l'entourage du candidat républicain ont déjà pris la peine de dénoncer l'amalgame. En mettant dos à dos bons et méchants de façon aussi manichéenne, Madonna commet là une belle faute de goût.
Enchaînée efficacement, la cohorte de tubes finale (4 Minutes, Like A Prayer, Ray of Light, Hung Up) prouve que la quinquagénaire aux dizaines de millions de disques écoulés continue à planer au-dessus de la concurrence. Pourtant, par son manque de cohérence, ce spectacle ouvre de nombreuses interrogations sur son avenir artistique. Va-t-elle continuer à miser sur la performance physique et à jouer l'escalade ou développer un répertoire plus introspectif comme elle le laisse entrevoir par intermittence ?
Le Monde :
LE MONDE 27.08.08 16h56 • Mis à jour le 28.08.08 09h16
Nice Envoyé spécial
Il est 22 h 37, mardi 26 août, lorsque débute le troisième intermède vidéo du spectacle de Madonna au Parc des sports Charles-Ehrmann, à Nice. Le spectacle dure depuis environ une heure vingt. La chanson Get Stupid sert d'accompagnement à un déferlement d'images d'actualités.
Deux ou trois secondes par plan. Un avion qui décolle, un gros plan sur un thermomètre, une vue de la Terre depuis l'espace... puis une succession de méchants, Hitler, de dos, haranguant la foule, l'ayatollah Khomeiny, le président du Zimbabwe Robert Mugabe, le président de la Corée du Nord Kim Jong-il... et John McCain, candidat républicain à l'élection présidentielle américaine. Des images de guerre, de famine. Voilà les gentils, Gandhi, Nelson Mandela, Luther King, Lennon, Bono, Angela Davis (sic), Michael Moore (re- sic), J.-F. Kennedy... Une dernière note, une dernière image, Barack Obama, candidat démocrate à l'élection présidentielle.
Présenté lors du premier concert de la partie européenne du "Sticky and Sweet Tour" (collant et sucré), à Cardiff (Pays de Galles), samedi 23 août, ce clip qui met dans le même camp des dictateurs sanglants et John McCain a été suivi, le 24 août, d'une déclaration de l'équipe de campagne du candidat jugeant que ces "comparaisons sont tout à la fois scandaleuses, inacceptables et de nature à diviser" (Le Monde du 25 août).
Les organisations juives américaines Anti-Diffamation League et Simon Wiesenthal Center ont aussi dénoncé le procédé, le centre Wiesenthal y voyant une "insulte pour tous les Américains, démocrates autant que républicains".
C'est donc un propos politique au ras des pâquerettes qui va devenir l'élément provocateur que tout show de la chanteuse américaine se doit d'avoir. Passé le "scandale de Cardiff", l'insertion de M. McCain dans le clip, si elle est maintenue, pourrait trouver son plein impact lorsque la tournée arrivera aux Etats-Unis, à partir du 4 octobre, en pleine campagne électorale. Le show Madonna sera à San Diego (Californie) le 4 novembre, le jour de l'élection aux Etats-Unis. Aucun commentaire de l'entourage de Madonna à propos de la réaction de l'équipe McCain - et le silence de celle de M. Obama - et le maintien ou pas des images n'a accompagné le concert niçois.
Tant qu'à provoquer, Madonna était plus rigolote et parfois pertinente quand, autrefois, elle se tripotait la foufoune, roulait des gamelles à ses copines ou mimait les rites sado-maso. Dans le même ordre d'idées, elle aurait pu pour cette tournée se présenter en bourgeoise de 50 ans - Madonna les a eus le 16 août - recevant un plombier à la maison, qui ni une ni deux la renverse sur la table de la cuisine dans la plus gauloise des traditions du cinéma X.
Las, Madonna fait de la politique et délaisse les friandises affriolantes, à part un rapide baiser sur la bouche d'une danseuse (approbation dans les rangs du public), quelques coups de rein, un frotti-frotta sur une barre.
MOINS DE FANTAISIE
En revanche, Madonna fait beaucoup de sport. Saut à la corde, arpentage régulier de la scène, numéros chorégraphiques genre bonds du kangourou, combats de boxe... le tout accompagné de techno-pop-dance-rock joué par un groupe quasi invisible mais à fort volume. Sur les écrans, c'est une débauche de couleurs. Mais ça patine quelque peu, le son sature régulièrement, noyant la voix de la chanteuse - jamais essoufflée, magie d'un possible play-black ? - et les écrans qui n'affichent rien à plusieurs reprises.
Au répertoire de sa tournée 2008, Madonna a mis une vingtaine de chansons, dont neuf de son dernier album en date, Hard Candy. Ce qui est beaucoup pour un disque assez faiblard (Le Monde du 29 avril), mais ne manque pas de culot de la part de la chanteuse. L'ensemble, qui puise par ailleurs dans les succès d'un peu toutes les époques, a perdu la fantaisie des années 1980, recycle du déjà-vu mais bénéficie toujours de numéros efficaces.
Sortent du lot Into the Groove (1984), avec projections d'animations de dessins très colorés, très pop, de Keith Haring (1958-1990) ; She's Not Me, tiré de Hard Candy, où Madonna, dans un jeu de dénigrement habile, est en vidéo dans toutes ses incarnations depuis vingt-cinq ans tandis qu'elle donne, sur scène, une correction à ses anciennes Madonna personnalisées par des danseuses costumées ; La Isla Bonita, dont la couleur espagnole d'origine en 1986 vire à la fête gitane avec charrette renversée et violon rom ; Like a Prayer, de 1989, devenu scandaleux par un clip montrant la chanteuse attirée par un Christ noir.
Cette fois, les écrans sont couverts de phrases bibliques et de signes religieux qui ne risquent d'offenser que les athées, et Like a Prayer s'élance dans un gospel techno convaincant. Sinon, Madonna confirme sa passion récente pour la guitare. Elle a le bon goût de ne pas ériger l'instrument en symbole phallique, mais simplement de le maltraiter.
Sylvain Siclier