jeudi 26 mars 2009

Paroles d'Evêques

Dans le contexte actuel de polémiques à propos de l'Eglise Catholique, je vous propose le point de vue de l'actuel évêque de Poitiers, Mgr Rouet, celui de Mgr Dagens, évêque d'Angoulême et celui de Mgr Scherrer, jeune évêque de Laval, histoire de dire qu'il n'y a pas qu'un son de cloche dans l'Eglise Catholique...

Bonne lecture !

Géraldine

Extrait de l’émission Parole à notre évêque le 20 mars 2009

A propos des évènements récents qui ont marqué l’Église : levée des excommunications de quatre évêques intégristes, de l’excommunication à Recife, des propos sur le Sida.


Sans revenir sur chaque évènement récent, je souhaiterais faire quatre remarques. En effet, ce ne sont pas des crises à cause d’un mot ou d’une mauvaise communication. Nous sommes devant des problèmes infiniment plus profonds, dont ces évènements en sont l’illustration. Ils sont les symptômes de malaises plus graves. Notre Église se trouve de par les circonstances, les évolutions, devant quatre problèmes fondamentaux, pour lesquels elle doit faire révision de vie.


1 La première question qui se pose est la prise en compte de la complexité de ce qui est humain. On ne peut pas avoir une morale tellement claire, tellement évidente, tellement impérative qu’aucune exception ne serait jamais possible, qu’il n’y aurait qu’à appliquer des décisions prises par des instances morales. Déjà saint Thomas d’Aquin écrivait que « la première instance morale de l’homme est la conscience éclairée, c’est-à-dire un homme qui s’est informé ». Ce problème est tellement grave qu’une morale qui voudrait répondre à toutes les questions deviendrait immorale, parce qu’elle empêcherait les sujets libres de prendre leurs propres décisions. Cette question est évidemment à la source d’autres problèmes.
Des gens qui critiquent le siècle des Lumières comme étant un siècle de sécularisation et d’éloignement de la religion agissent exactement dans la même logique que ce siècle qu’ils contestent. Ils en sont les enfants, puisque leur approche de l’homme est tellement claire, tellement rationnelle, qu’il n’y aura plus d’obscurité. Pour eux, l’homme déploie son existence dans une clarté dont l’homme est maître à chaque moment ou est capable de le devenir. Il y a là deux aspects. Le premier est la hantise de la rigueur. Rappelons-nous que sur les papyrus qu’on mettait sur la bouche du Pharaon défunt, il était écrit : « je suis pur » cinq fois. Cette protestation était liée à la mort, pour se présenter dans l’au-delà. Justement lorsqu’on est mort, cette complexité humaine s’est éteinte. En attendant, on est toujours dans une sorte « d’entre-deux ». L’autre exemple historique est très parlant. Partout où il y a eu en France des prêtres rigoristes, moralement jansénistes comme on disait à l’époque, dans ces endroits-là, l’athéisme s’est développé. C’est-à-dire qu’une très grande rigueur provoque l’inverse de ce qu’elle recherche. Une très grande rigueur est de soi inapplicable.
Le premier examen est de se rendre compte que l’homme est un être ambigu. Cela ne signifie pas qu’on renonce à la morale, mais cela signifie qu’on renonce à une morale réglementant tous les détails de la vie des hommes et ayant accès aux moindres décisions, comme si elle était un savoir portant sur tout.
Nous nous fondons sur une idée de la nature qui vient du stoïcisme, qui a été commune au Moyen-âge, mais ce que nous oublions c’est que la nature était donnée et qu’il fallait la suivre. Aujourd’hui, pour la science, la nature est ce que l’on a à creuser, à façonner parce que cette nature-là, on ne l’obtient que par l’approche d’une culture. Il faudrait là encore avoir une approche de l’homme qui soit autre. Une fausse clarté finalement naît de trop d’assurances sur des bases contingentes.

2 Le second point est une question classique de théologie : c’est de distinguer les degrés d’engagement dans les paroles du Pape. Tout ce que dit le Saint-Père n’est pas sur le même plan et n’engage pas son infaillibilité. J’ai entendu sur une radio nationale « avec de telles déclarations, le pape met à mal son infaillibilité. » Mais là n’est pas le problème. Jamais une réponse à une question dans un avion n’entre dans le registre d’une parole officielle qui engage l’infaillibilité. Il faut savoir distinguer la parole ordinaire et habituelle du pape et de ce qui relève de son engagement public. Sans cette distinction et ce travail de discernement, on sort du christianisme pour entrer dans une relation du même type qu’un tibétain envers le Dalaï-Lama. Or, ce n’est pas ce que dit le Concile Vatican I. Il faut donc voir quelle est la portée des expressions, le contenu des mots utilisés, les références de base. Autrement dit, toute parole est sujette à interprétation. Sinon ce n’est plus une parole humaine. Dans notre histoire, il faut se mettre au clair sur le sens des mots. Prenons par exemple, le mot « unité ». Il va de la complaisance jusqu’à la communion. Quel sens retient-on ? Où place-t-on l’index ? L’incertitude des mots et la valeur des expressions sont pour beaucoup dans les crises que nous venons de vivre.

3 Le troisième problème est sans doute le plus grave. Il nous faut revoir le positionnement de notre Église dans le monde. C’est-à-dire qu’il faut revoir le mode de présence au monde. On se rend compte que toute parole qui vient d’en-haut, qui n’est pas engagée dans un dialogue, après avoir écouté et entendu l’autre, ne peut plus être une parole crédible. Ce type de parole peut se rencontrer dans des décisions économiques de quelques grands décideurs qui annoncent la fermeture d’une usine dans notre pays. Mais on ne fait pas vivre l’Évangile sur le même mode que celui des décisions économiques. Sinon on sort de la morale chrétienne. « Et toi, qu’en penses-tu ? » dit le Christ. Tant que l’Église va se contre-distinguer de ce monde, tant qu’elle va vouloir vivre dans une nébuleuse ou en état d’apesanteur, elle perd toute crédibilité. C’est un problème pour nous tous, pour le pape bien sûr, mais aussi pour les évêques, pour toutes les communautés chrétiennes. Notre monde n’écoute que ce qui est prononcé à hauteur de visage d’homme. Tant qu’on n’aura pas compris cela, on ne pourra pas être entendu, ni même compris. Nous n’avons pas eu affaire à une erreur de communication, mais à une erreur de point de vue, une erreur de positionnement. La question à se poser est de se demander quelle est notre posture vraie pour être en capacité d’être entendu. On se rend compte que sans partage, il n’y a pas de posture vraie. Aujourd’hui, on ne peut plus annoncer des choses qui passent pour définitives dans une posture sans aucune relation avec la situation prise dans son contexte humain concret. Sinon, cette déconnexion produit du rejet. A trop répéter, on crée de la dévaluation.

4 Une quatrième question se pose : on ne construit pas un avenir de l’homme uniquement en jouant sur le permis et le défendu, parce que la morale ne dépend pas seulement d’une technique. Il faut revenir à la signification humaine des problèmes qui sont posés. C’est très joli de donner un idéal. Le monde n’est quand même pas perpétuellement adolescent… heureusement ! L’idéal, comme l’horizon, est invivable. Car lorsqu’on pense l’approcher, il apparaît toujours plus loin. Le problème n’est donc pas la question de l’idéal, ni même des repères. Tous repères sont forcément dans un environnement donné. Ils ne peuvent être en suspension dans l’air, autour de rien du tout. Si on ne recherche pas un accord commun de sens, à ce moment-là on isole l’Église de sa participation à l’histoire humaine. Elle en sera réduite à se parler à elle-même.

Dans toutes ces questions, il y va de la vie des hommes. Le véritable problème est « qu’est-ce qui fait vivre ? Qu’est-ce qui met debout ? Qu’est-ce qui rend responsable de son existence ? » Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exigence à poser. Au contraire, je suis persuadé qu’il faut en poser, mais pas sous forme manichéenne du tout noir-tout blanc, du permis et du défendu. Regardons l’Evangile. Le Christ dit au paralysé : « Lève-toi et marche ! » Imaginons que l’homme lui réponde : « Je suis bien couché, je n’ai pas envie de me lever ». Le Christ ne va quand même détruire son grabat. Si cet homme ne se met pas debout, il ne pourra pas être guéri. Nos paroles mettent-elles les gens debout ? Sont-elles des paroles de vie ? Voilà pourquoi dans nos paroles, il faut toujours se repositionner par rapport à la vie des gens, par rapport à ce sursaut évangélique.

Y-a-t-il moyen de réduire l’écart entre l’Église et le monde actuel ?

La crédibilité ne se décrète pas. Par conséquent, la crédibilité ne se retrouvera que par l’humilité de partager la vie des hommes, en étant à leur écoute, que par le partage de leurs peines, que par le désir de partager avec eux notre espérance et de les aider à se mettre debout. Il n’y a pas d’autres moyens que Nazareth, que de cheminer comme le Christ sur les routes de Galilée. Il n’y a pas d’autres moyens que le partage de la fragilité humaine. C’est en devenant frères que les chrétiens deviennent crédibles. Cela fait vingt siècles qu’on le sait et cela fait vingt siècles, qu’après chaque moment difficile comme celui que nous vivons, il nous faut reprendre les mêmes pas.

+ Albert Rouet
Archevêque de Poitiers



"Je souffre et j'espère pour l'Eglise"

Par Mgr Claude Dagens, Evêque d'Angoulême, de l'Académie française. Vient de publier Méditation sur l'Eglise catholique en France (Le Cerf)

L'Eglise catholique est sur la place publique. Les paroles de ses responsables, principalement le pape et les évêques, suscitent des débats. Tant mieux. Tous les échos que je reçois manifestent de la souffrance et en même temps un profond attachement à l'Eglise. La lettre du pape, la semaine dernière, montre que Benoît XVI a pris en compte ce trouble. Il y a une grande attente vis-à-vis de l'Eglise: qu'elle donne le meilleur, pas la dureté, mais l'amour

Aujourd'hui, nous sommes dans un tintamarre. Nous assistons à un enchaînement de dérapages qui provoque un lynchage médiatique. Tout est mélangé dans la logique implacable et perverse de la culpabilité. S'il y a du mal, il faut chercher des coupables et instruire leur procès. Le mal, ce n'est pas le pape, mais le sida qui fait souffrir et mourir. Je demande d'abord qu'on rende justice au travail de l'Eglise, une des institutions qui fait le plus au monde contre le sida. Je l'ai mesuré dans un diocèse du Burkina Faso jumelé avec le mien. Ce qui prime, c'est l'attention à ceux qui souffrent et qui meurent, pas les règles générales. Il faut avant tout de la compassion et de la compréhension, et pas un jugement. Et quels que soient les moyens techniques de prophylaxie, comme le préservatif, utile en cas de nécessité pour ne pas donner la mort, il faut en appeler à la responsabilité et à l'éducation.

C'est ce qu'a voulu dire le pape. Il faut maintenant passer du choc à la réflexion sur les enjeux profonds, humains et spirituels de la mission de l'Eglise dans le monde. Certains voudraient un rapport d'opposition, de confrontation dure entre l'Eglise et le monde moderne. Ma conviction est que nous devons avant tout pratiquer l'écoute, la compréhension, le dialogue. Cela vaut pour la morale sexuelle comme pour l'engagement social et politique en ces temps de crise. Le concile Vatican II a rappelé avec fermeté que le Christ n'est pas venu pour condamner, mais pour sauver.

Aujourd'hui, je souffre intensément que l'Eglise puisse être réduite - de l'intérieur - ou considérée - de l'extérieur - comme un lieu de condamnation et d'exclusion, une institution durcie sur elle-même, laissant au second plan la manifestation du coeur de Dieu, que nous appelons sa miséricorde. Si nous imposons d'abord des principes moraux, nous créons un déséquilibre grave. Il faut aller à la source de l'Evangile: Dieu sème sa Parole, Il donne et Il se donne aux hommes. Les réponses morales viennent en leur temps. Certains esprits considèrent qu'il faut abandonner le dialogue voulu par le concile. Ces perspectives peuvent entraîner un durcissement de la tradition catholique à laquelle je ne me résigne pas. Nous vivons dans des sociétés qui souffrent, à cause des maladies, du sida, et aussi des violences sociales et économiques. Plus les souffrances sont fortes, plus l'Eglise doit offrir au monde la miséricorde de Dieu. La logique chrétienne n'est pas de chercher des coupables, mais d'arrêter l'engrenage du mal. Je viens d'accompagner un grand malade vers la mort. Cet ami était très critique vis-à-vis de l'Eglise.

Voilà la dernière phrase reçue de lui: "J'ai confiance. Dieu me dira d'abord: Viens dans mes bras." Cette découverte passe par un combat spirituel: oui à ce combat spirituel, non au rapport de force avec le monde !"


Église et Sida. Pour une humanisation de la sexualité.


Depuis quelques semaines, l’Église catholique fait l’objet d’une campagne de dénigrement sans précédent. Or voilà que l’affaire du préservatif revient avec le voyage que vient d’accomplir benoît XVI en Afrique. Le problème est qu’une fois de plus, on a sorti une phrase du Pape de son contexte pour déformer gravement le message qu’il désirait transmettre.

Je me dois par conséquent de relayer ce message dans son intégralité et d’en faire valoir la pertinence et la beauté. Car le Sida est une tragédie terrible contre laquelle il nous faut lutter coûte que coûte. Mais quels moyens proposons-nous pour en sortir vraiment ? Dans la réponse qu’il a apporté à cette question au cours du voyage qui l’acheminait au Cameroun, Benoît XVI a répondu :“Je dirais que l’on ne peut vaincre ce problème du sida avec seulement de l'argent, qui est nécessaire, mais s'il n'y a pas l'âme, si les Africains ne s'aident pas, on ne peut pas dépasser le fléau avec la distribution de préservatifs. Au contraire, ils augmentent le problème. La solution ne peut venir que d'un double engagement : en premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui permette une nouvelle manière de se comporter les uns avec les autres, et deuxièmement une vraie attention particulièrement à l'égard des personnes qui souffrent, la disponibilité, les sacrifices aussi, les renoncement personnels pour être avec les personnes souffrantes. Ce sont les moyens qui aident et permettent des progrès visibles”.

Le premier moyen, pour le Pape, c’est donc d'éduquer nos jeunes à la beauté humaine de l'amour et de la sexualité. Or la beauté de l’amour est dans la chasteté, la fidélité et la maîtrise de soi. Bien sûr, cet idéal est élevé et exigeant. Le chemin de l’évangile n’est pas un chemin facile. On ne peut pas reprocher au chef de l’Église catholique de nous rappeler à cet idéal chrétien, même s’il est très élevé. Si, maintenant, on n'arrive pas à vivre la situation telle qu'il la propose, alors, c’est évident, on ne doit pas mettre la vie des autres en danger. Il faut donc dans ce cas utiliser les moyens proposés jusqu’à recourir, s’il le faut, au préservatif pour ne pas risquer d’ajouter un mal à un autre mal. L’Église ne dit pas autre chose depuis dix ans.

Le second moyen préconisé par Benoît XVI, c’est l’assistance médicale aux malades. Depuis de nombreuses années, d’ailleurs, les chrétiens ont été parmi les premiers à se porter au chevet des malades infectés par le virus. Dans le monde, près de 30% des malades atteints du sida sont pris actuellement en charge par des institutions catholiques. C’est le cas en Afrique où l'Eglise a ouvert des dispensaires en grand nombre pour soigner et d’abord aimer les malades. Pour l’Église, le débat sur le sida n'est donc pas théorique, il est d’abord pratique. Il est concrètement du domaine de la compassion et de la charité exercée à l’égard des plus faibles, à savoir ici les malades du Sida en qui les chrétiens reconnaissent le visage du Christ souffrant.

Il n’y a en définitive qu’une unique alternative au drame du Sida, c’est celle qui consiste à humaniser la sexualité. Voilà ce qu’a dit le Pape dans l’avion qui le conduisait en Afrique. À chacun d’y réfléchir en vérité. Si nous voulons en effet que nos sociétés changent, si nous voulons offrir à la jeunesse un chemin qui ouvre sur un véritable avenir, il faudra bien que nous ayons la force de nous affranchir une bonne fois pour toutes de la tyrannie de la pensée unique. C’est peut-être le grand défi que nous avons à relever ensemble. Il nous faut être chrétiens jusqu’au bout. Mais cela ne se fera pas sans courage et sans conversion.

+ Thierry SCHERRER
Évêque de Laval

dimanche 22 mars 2009

Gran Torino or grand film ?


I saw the film last saturday. Je ne vous parlerai pas de "la fille du RER" vu hier soir, qui vraiment ne vaut pas le détour, malgré la palette d'acteurs alléchante. So I saw Gran Torino last saturday. I mainly wanted to see that film beacuse it was a way of listen to this beautiful language, I like so much : American. It didn't know at all what the film dealt with, but Clint Eastwood is a reference.

Ouch ! What a film ! I has the idea it was a film dealing with primal violence, something like a man getting fed up with being teased by a gang and finally shooting its members to recover peace in the neighbourhood.

But I was totally wrong. No, it's all about true faith and doubts about believing...
..it's about non violence, true justice, giving its life for a good (God ?) cause.

...it's about racism and conversion of the heart, caregiving and loving those Walt coudn't stand before because of his own injuries from war.

...It's about thinking to do the right thing... And you, for those who saw the film, what would you have done ?


It's about all that. It turns you upside down ! I won't tell you more, for you to rush the cinema. Go, you won't be desappointed. It's full of suspense and you will laugh too.

Thank you M. Eastwood. Here is a Grand film ! The one you need, when you slip down slowly and insidiously towards hate of the others...

By the way, did you know that the Gran Torino was the famous car of Starsky & Hutch repainted ?

Well, enough talking for today. Enjoy this sunday,
Géraldine

I am because we are : sortie le 25 mars

Sur le sida, chacun y va actuellement de son petit commentaire. Le sujet est trop grave pour polémiquer.

J'ai pour ma part trois amis touchés par le fléau. Autant dire que je suis touchée moi aussi ! Cette petite phrase "I am because they are" correspond exactement à ce que je ressens à leurs côtés. If they are no more, I won't be the same. Voilà de quoi introduire le sujet de ce documentaire qui ouvre le yeux, je pense, sur une situation qui dépasse tellement, semble-t-il, ceux qui veulent moraliser le débat.



Bon, je vous en dirai plus lorsque j'aurai vu le film.

bon dimanche !

Géraldine

mercredi 11 mars 2009

Texte de Carême...

Texte écrit à propos d'Etty Hillesum

Je me souviens d’un carnet écrit par une juive quelques jours avant sa mort.

Elle est dans un camp de transit.
Hier la vie le travail l’amour.
Aujourd’hui la soif la faim la peur.
Demain rien.
Le train qui l’emmènera vers demain
est sur les rails
vérifié par des mécaniciens scrupuleux.
Le train qui filera dans un demain sans épaisseur
dans un jour sans jour.
Cette femme regarde autour d’elle
et vers le dernier matin
décrit émerveillée le linge des enfants
lavé dans la nuit par les mères
et mis à sécher sur les barbelés.
Elle dit combien cette vue
la réconforte
lui donne un cœur
contre lequel viennent battre
en vain
les aboiements des chiens et les cris des soldats
le souffle lourd des trains plombés.

Laver le linge
pour que l’enfant demain
se sente léger confiant
dans des vêtements frais propres.
Même si demain n’est plus
dans la suite des jours.
Même si demain
ne verra pas le jour.

Il n’y a pas d’autre légèreté
que celle de ces gestes
qui délivrent la vie quotidienne
sans façons sans se poser de questions
comme on peut défaire des nœuds de lacet
doucement lentement
surtout sans impatience
car on ferait aussitôt d’autres nœuds.
Pas d’autre grâce que celle-là
qui est la seule que nous ayons
la vie le quotidien la vie
la vie la vie la vie…

Christian Bobin

dimanche 1 mars 2009

parole immortelle

une peu de réflexion en ce dimanche matin avec Sénèque :

"Une grande partie de la vie s'écoule à mal faire, la plus grande à ne rien faire, la vie tout entière à faire autre chose"

Aujourd'hui, c'est dimanche... Prenez le temps !

Géraldine